la résolution adoptée par notre congrès de novembre 2004 .
1. Crise de l’Ecole ou Ecole de la Crise ?
Le Gouvernement annonce pour le printemps 2005 une loi d’orientation sur l’Ecole. Certains « commentateurs » de l’école, justifient ce projet en dénonçant une Ecole qualifiée de coûteuse et inefficace, des personnels archaïques, attachés à défendre leurs « privilèges » et hostiles à toute réforme.
« Tout va mal ? ». Depuis les années 60, les effectifs scolaires ont fortement augmenté - le pourcentage d’une classe ayant le niveau du baccalauréat a été multiplié par quatre - la « massification » de l’Ecole est un fait. Le niveau global de formation a suivi.
Pourtant l’Institution scolaire reste profondément inégalitaire, les classes sociales sont toujours globalement reproduites. (Moins de 12 % des enfants d’ouvriers sont étudiants en 1re année d’université). La massification ne doit donc pas être confondue avec la démocratisation de l’Ecole.
Une Ecole plongée dans une société où les inégalités s’aggravent. Depuis 20 ans les libéraux ont réussi à imposer d’importants reculs sociaux. Un chiffre résume bien la situation actuelle : en 1982 la part du Produit Intérieur Brut consacré à rémunérer le travail - salaires et protection sociale- représentait 72 %, aujourd’hui cette part est tombée à 60 %. Ces politiques se sont traduites par un recul du rôle de l’Etat et par une offensive contre les services publics.
L’attaque contre les services publics. Si la privatisation en est la partie la plus visible, le changement de leur fonctionnement est tout aussi criant : l’usager est devenu client, le service public doit maintenant être « rentable », évalué, financiarisé. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) va progressivement produire ses effets négatifs : l’action publique va pouvoir être pensée en termes d’objectifs, les crédits sont globalisés permettant de faire passer des crédits de rémunération vers des crédits de fonctionnement et non l’inverse. Elle contient tous les germes de l’externalisation des personnels.
L’Europe est aujourd’hui un élément moteur de l’entrée de la logique libérale -marchande- prévue dans les traités européens comme celui de Maastricht. La privatisation des services publics se réalise pas à pas : télécoms, poste, transport, énergie, santé ...
L’Ecole n’échappe pas à ces logiques. Elle subit la marchandisation qui peut être définie ainsi : « La marchandisation désigne un processus global qui ne concerne pas en propre l’école mais l’ensemble des activités sociales qui sont directement soumises à la logique marchande et/ou qui ont à se conformer à des impératifs organisationnels ou à des finalités commandés par l’extension du secteur marchand dans l’économie. La marchandisation de l’éducation, de ce point de vue, n’est qu’une partie d’une dynamique plus générale qui tend à faire reculer l’Etat social et éducateur aussi bien dans les modes de financement que dans les valeurs, les dispositifs et les objectifs qui le différenciaient du secteur marchand. »
Cette marchandisation se traduit par : la commercialisation de l’espace scolaire, (augmentation de la part des fournisseurs, introduction de marques, sponsoring ...)
*# les productions de services et de produits éducatifs payants : para scolaire, formation continue.
*# la mise en marché de l’enseignement : « La logique de marché se développe à l’intérieur du service éducatif juridiquement public, surtout s’il est déjà soumis de l’extérieur à la pression concurrentielle d’un secteur scolaire privé. Cette « mise en marché » consiste à donner plus d’autonomie pédagogique et financière aux établissements d’enseignement afin qu’ils répondent de façon plus adaptée et plus « efficace » à la demande diversifiée d’une clientèle dotée d’un « libre choix » de l’établissement. L’imaginaire du marché s’impose alors dans la réorganisation des systèmes éducatifs jusqu’à vouloir que les établissements scolaires se calquent, dans leur administration, leur gestion, leur « esprit », sur les entreprises du secteur marchand. »,
*#la construction de l’éducation comme une marchandise. L’éducatif « doit être calibré, comparable, mesurable, relativement homogène. La technicisation de la pédagogie, l’essor de l’évaluation quantitative et des modes de comparaison internationale sont quelques-unes des pratiques sociales qui donnent un support « objectif » au calcul de type coût/bénéfice sans lequel aucune marchandisation de l’éducation n’est possible. Avant d’être vendue à grande échelle, il faut en somme qu’elle acquière la forme d’une marchandise ». Dans ce contexte le rapport Thélot fondé sur la synthèse du grand débat national sur l’Ecole a pour fonction « d’adapter l’Ecole à la Société » comme le lui a demandé le Premier Ministre. Ce projet prépare une réforme qui s’inscrit bien dans la logique libérale décrite ci-dessus : renforcement de l’autonomie financière et économique des établissements, renforcement du pouvoir des chefs d’établissements par la constitution « d’équipes » dans les zones difficiles, fermetures des établissements en échec ... La création d’ « autorités indépendantes » (un Conseil National des Programmes et d’un Haut Conseil à l’Evaluation) est là pour mettre « toute l’objectivité » dans la mise en musique du projet.
*# Le projet consacre la fin de l’objectif de 80 % d’une tranche d’âge au niveau bac, l’abandon du principe de mettre les jeunes « au centre du système éducatif », le rétablissement de fait des filières dans le collège. Le projet distingue « un socle » de matières indispensables pour mieux mettre en exergue le moins utile, voire le « superflu ».
*#Les enseignants sont priés d’accroître leur temps de travail par une augmentation de leur temps de présence dans l’établissement. Ce projet semble plus clair quand on le met en perspective avec la réduction des moyens et des personnels : surveillants, emploi jeunes, titulaires.
2. L’Ecole que nous voulons c’est aussi l’école dans une autre société.
Il nous faut agir, dès aujourd’hui, pour promouvoir une Ecole :
qui forme des citoyens libres, des individus critiques, conscients de la pluralité des modes de pensée, à même d’analyser la société dans laquelle ils vivent et à en devenir des acteurs constructifs.
_ -#qui forme des citoyens égaux au sein d’une institution laïque où l’individu peut s’enrichir au contact des autres, de leurs origines, de leurs singularités et de la diversité de leurs situations, et dans laquelle les droits sont les mêmes pour tous.
_ -#qui par la gratuité réelle permette l’accès de tous à un véritable Service Public d’Education préservé des pressions de toutes sortes.
_ -#qui valorise un enseignement général approfondi et rigoureux disposant de moyens adaptés à tous, sans filières conduisant à l’élitisme ou à l’exclusion, sans ghettoïsation selon les zones géographiques, ce qui suppose le refus de la concurrence entre les élèves, les personnels, les enseignants, les projets et les établissements.
_ -#qui définisse les exigences au regard des fins rationnelles et politiques à poursuivre et refuse donc de répondre à des besoins d’adaptation des élèves et à la pression économique et sociale du moment.
_ -#qui fournisse à tous les élèves les outils d’un travail intellectuel cohérent et méthodique, qui cesse de fractionner le savoir en le réduisant à des procédures ou des techniques ne permettant pas de fonder un jugement. L’élève ne doit pas être évalué selon des objectifs partiels sur lesquels il n’a pas prise. Les connaissances dans les domaines de la santé, de la psychologie de l’enfant et des méthodes d’apprentissage doivent être mises en oeuvre dès que nécessaires.
_ -#dont les personnels auront la responsabilité reconnue de déterminer les moyens nécessaires (en effectifs, en équipements, en locaux ...) pour assurer vraiment l’égalité.
_ -#qui soit à l’écoute des élèves et leurs familles et ouverte sur l’extérieur -vie culturelle, associative-,
_ -#qui ouvre à chaque élève de vrais lieux de réflexion, d’expression, de décision, de communication et de coopération.
3. La rénovation du système éducatif
Le système éducatif doit évoluer pour aller vers une plus grande égalité des chances de tous les enfants et jeunes qui lui sont confiés. Il doit notamment mieux prendre en compte l’individu, ses besoins éducatifs et physiologiques (et notamment permettre l’insertion des handicapés). Il doit favoriser la motivation des jeunes. Il doit contribuer à la formation citoyenne (intégrant les droits et devoirs de chacun).
_ Cela impose aussi de revoir l’organisation du travail des enseignants, en y intégrant les temps de concertation entre collègues, de travail en équipe, les relations avec les parents, l’aide au travail personnel des élèves, l’aide méthodologique, les activités périscolaires, les obligations administratives.
_ Si l’essentiel de leur service doit rester l’enseignement de leur discipline, il est indispensable que les autres activités qui relèvent du travail des enseignants soient intégrées à leur temps de service. Mais le temps de travail enseignant a été fixé en 1950. Depuis, la charge de travail n’a cessé d’augmenter. Il est actuellement estimé à l’équivalent de 39à 42 heures par semaine, en moyenne annuelle, (en intégrant les tâches de préparation et de correction) ; le nombre d’heures de cours doit être réduit d’autant (par exemple : 15 h de cours et 3 h d’autres activités pour les enseignants du second degré).
_ Parce que les enseignants ne peuvent répondre seuls à toutes les demandes sociales ou de santé, culturelles et technologiques, l’école doit intégrer de nouvelles catégories de personnels (médecins, infirmiers, assistants sociaux, psychologues...) et s’ouvrir à d’autres (travailleurs sociaux, intervenants spécialisés...). C’est particulièrement vrai dans l’enseignement privé sous contrat qui, trop souvent fait le choix - dans l’utilisation du forfait d’externat - de ne pas respecter les taux d’encadrement en vigueur dans l’enseignement public, notamment en ce qui concerne la santé et le domaine social et psychologique).
_ « Nous revendiquons la création de postes d’aide éducateurs car l’expérience a montré qu’ils remplissaient une fonction sociale et éducative en direction des élèves les plus en difficulté. ».
4. Enseignement professionnel : alternance scolaire et apprentissage
Le Medef fait pression sur les gouvernements pour imposer sa vision de l’éducation : au service public les enseignements de base, à l’entreprise et aux branches professionnelles, la transmission et la certification des compétences professionnelles. Ce qu’il traduit par un système de formation où dominent l’alternance scolaire et l’apprentissage.