Que recommande l’éducation nationale à la place de Microsoft, Apple ou Google

dimanche 7 mai 2023


Dans une réponse au député Modem Philippe Lartombe, le ministère de l’Éducation nationale éclaire sa position par rapport à la suite Microsoft Office dans les établissements scolaires.

« Une note du directeur interministériel du numérique en date du 15 septembre 2021 précise que la suite collaborative Microsoft Office 365 n’était pas conforme à la doctrine « cloud au centre »…

Le ministère a ainsi demandé d’arrêter tout déploiement ou extension de cette solution ainsi que celle de Google, qui seraient contraires au RGPD », répond-il.

Rappelons que la suite Office est offerte gratuitement aux élèves et enseignants par Microsoft.

Mais la position ministérielle a une limite tout de suite précisée par la même réponse. » Il convient de rappeler que le code de l’éducation prévoit que les collectivités territoriales de rattachement des établissements scolaires assurent « l’équipement et le fonctionnement » et qu’à ce titre, « l’acquisition et la maintenance des infrastructures et des équipements, dont les matériels informatiques et les logiciels prévus pour leur mise en service, nécessaires à l’enseignement et aux échanges entre les membres de la communauté éducative sont à [leur] charge » (articles L. 213-2 et L. 214-6). »

Pour le Sundep Solidaires,
il est insupportable de subir la mise en place de messagerie via Outlook ou Google sans tenir compte de la RGPD.
Les enseignants et enseignantes de l’enseignement privé sont-ils obligés de se voir octroyer d’office ces messageries alors qu’ils ont déjà celle de leur rectorat de l’académie, ainsi qu’un ENT tel que EcoleDirecte (enseignement privé) ou Pronote (enseignement public) ?
Le ministère de l’éducation nationale n’a t’il pas obligation de protéger ses agents ?

Et que propose l’éducation nationale ?
Parce que la majorité des ordinateurs des établissements sont sous Windows, que d’incohérences !

Question du député :

M. Philippe Latombe alerte M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur la gratuité d’Office 365 pour les élèves et les enseignants. En effet, comme l’annonce le site de Microsoft, « les élèves et les enseignants des établissements admissibles peuvent s’abonner gratuitement à Microsoft Office 365, qui intègre Word, Excel, PowerPoint, OneNote et maintenant Microsoft Teams, ainsi que de nombreux autres outils pour la classe ». De prime abord, la proposition peut sembler attrayante puisqu’elle promet un seul lieu pour l’organisation, l’accès à tout moment, en tout lieu et à partir de n’importe quel appareil. Cependant, cette offre gratuite s’apparente à une forme ultime de dumping et à de la concurrence déloyale. Il semble par ailleurs qu’aucun appel d’offres n’ait eu lieu. Il lui demande s’il peut lui indiquer ce qu’il compte faire face à de telles pratiques commerciales qui, si elles peuvent paraître séduisantes au consommateur, pénalisent fortement les autres acteurs économiques, posent un problème grave de souveraineté, en raison de la localisation des données personnelles sur un cloud américain et de l’extraterritorialité du droit américain et donnent aux très nombreux enseignants qui y sont hostiles l’impression d’une administration vendue à Microsoft.

Réponse à l’assemblée nationale :

L’éditeur Microsoft a une politique mondiale pour l’éducation consistant à offrir gratuitement la version de base de sa suite collaborative en ligne. L’article L. 2 du code de la commande publique prévoit que les contrats de la commande publique sont des contrats conclus à titre onéreux pour satisfaire les besoins de la personne publique en matière de travaux, de fournitures ou de services.

Les offres gratuites de services sont donc, en principe, exclues du champ de la commande publique. S’il est vraisemblable que la mise à disposition gratuite des établissements scolaires d’une suite bureautique vise à inciter un public qui aurait été accoutumé à l’utilisation de ces outils à souscrire par la suite à la version payante de son offre, cet avantage indirect n’est pas de nature, à lui seul, à regarder cette prestation comme présentant un caractère onéreux (réponse ministérielle n° 00604 publiée au JO Sénat le 10 mai 2018, p. 2263). Le ministère chargé de l’économie et des finances indiquait toutefois dans cette réponse ministérielle que « dans un souci de bonne administration et dans la mesure où de tels contrats peuvent avoir une incidence à terme sur la concurrence, les personnes publiques veilleront toutefois à circonscrire l’objet de ces contrats, à en limiter leur durée et, à ne pas octroyer d’exclusivité à l’opérateur économique afin de permettre à d’autres concurrents de bénéficier des gains notamment d’image en résultant. » Par ailleurs, la circulaire du Premier ministre n° 6282-SG relative à la doctrine d’utilisation de l’informatique en nuage par l’État (« cloud au centre ») invite les différents ministres à s’assurer que les offres de cloud commercial auxquelles ont recours les services et les organisations publiques placés sous son autorité soient immunisés contre toute réglementation extracommunautaire et bénéficient de la qualification SecNumCloud ou d’une qualification européenne équivalente. À cet égard, une note du directeur interministériel du numérique en date du 15 septembre 2021 précise que la suite collaborative Microsoft Office 365 n’était pas conforme à la doctrine « cloud au centre ».

La politique du Gouvernement s’inscrit dans la continuité de l’arrêt du 16 juillet 2020 dit « Schrems II » de la Cour de justice de l’Union européenne et de la position des autorités de contrôle des États membres. Dans un courrier du 27 mai 2021, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a ainsi recommandé aux établissements d’enseignement supérieur, en l’absence de mesures supplémentaires susceptibles d’assurer un niveau de protection adéquat, de recourir à des suites collaboratives proposées par des prestataires exclusivement soumis au droit européen qui hébergent les données au sein de l’Union européenne et ne les transfèrent pas vers les États-Unis. S’agissant de l’emploi de la solution Microsoft Office 365, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a informé en octobre 2021 les recteurs de région académique et d’académie de la doctrine « cloud au centre » (circulaire du Premier ministre précitée), de la position de la Dinum (note du 15 septembre 2021 précitée) et de l’avis de la CNIL sur ce sujet.

Le ministère a ainsi demandé d’arrêter tout déploiement ou extension de cette solution ainsi que celle de Google, qui seraient contraires au RGPD. Il convient enfin de rappeler que le code de l’éducation prévoit que les collectivités territoriales de rattachement des établissements scolaires assurent « l’équipement et le fonctionnement » et qu’à ce titre, « l’acquisition et la maintenance des infrastructures et des équipements, dont les matériels informatiques et les logiciels prévus pour leur mise en service, nécessaires à l’enseignement et aux échanges entre les membres de la communauté éducative sont à [leur] charge » (articles L. 213-2 et L. 214-6). Les collectivités territoriales peuvent ainsi fournir des solutions d’environnement numérique de travail (ENT) aux établissements qui offrent des fonctionnalités de communication et de collaboration respectant les principes du RGPD et de souveraineté numérique, permettant ainsi de se passer des offres collaboratives états-uniennes non immunes au droit extra-territorial.

Par exemple, la deuxième plate-forme Ecole Directe (ENT) est la plus utilisée en France, elle “touche (…) 1 500 000 élèves pour 2 millions de parents et 140 000 enseignants.” Les quantités de données sont gigantesques et doivent donc être stockées et sécurisées. Cet outil de gestion de la vie scolaire, ainsi que les messageries, génèrent énormément de données et d’informations. Ces données collectent l’information sur le comportement de l’élève pendant toute sa scolarité (au minimum pendant 13 ans) : ses absences (pour maladie ou autre), ses résultats scolaires par matière, ses compétences acquises ou non, l’implication, le soutien de ses parents ou non, etc. Il s’agit d’un véritable profilage, un dossier élève qui peut être très détaillé et qui, sur le plan éthique, pose question.

Aujourd’hui, la sécurité et la confidentialité de ces données sont garanties par le cadre de confiance défini dans le document officiel de 219 pages, le Schéma Directeur des ENT (SDET) voir le document plus bas à lire. Et par les normes RGPD. Dans le SDET, on retrouve 209 fois le mot “sécurité” et 37 fois les termes “confidentialité” et “données personnelles”…
De plus, cette plateforme semble remplir les conditions du respect des données car c’est le groupe Aplim, éditeur de l’ENT EcoldeDirecte qui a choisi OVH pour héberger les données personnelles relatives à l’éducation des élèves français. Même si lorsque il y a eu l’incendie des data centers d’OVH à Strasbourg en mars 2021, OVH a su récupérer un maximum de données et gérer la crise en toute transparence.

La question de l’éthique dans la relation digitale professeur- école et parents-école soulève d’autres sujets importants : qui n’a pas stocké ses données sur un CLOUD ? définition d’un cloud ici

Au Sundep Solidaires, nous nous interrogeons sur ces pratiques qui pour « faire des économies », se tournent de plus en plus vers ces plateformes dites « gratuites » !
Pourtant chacun sait qu’il n’y pas de GAFAM qui pratiquent la philanthropie !
Tous les outils numériques mis en place dans les établissements doivent obligatoirement :
 respecter leur droit à la déconnexion (EcoleDirecte a cette fonction)
 consulter et communiquer les choix des directions des établissements avant de mettre les acteurs sur le fait accompli.
 Privilégier une plateforme numérique et ne pas les multiplier
 Anonymer les données personnelles qui rend impossible l’identification d’une personne à partir d’un jeu de données et permet, ainsi, de respecter sa vie privée. La CNIL fait le point sur les techniques utilisables et sur leurs enjeux.
 former les professionnels à la protection des données numériques

Textes de référence :
 Circulaire n° 6282-SG du 5 juillet 2021 relative à la doctrine d’utilisation de l’informatique en nuage par l’État

 SDET= Schéma Directeur des Espaces numériques de Travail pour l’enseignement scolaire

 [article le Monde, 17 septembre 2021, -
>https://www.lemonde.fr/blog/binaire...]

 Café pédagogique : Numérique : Interdiction des GAFAM, qu’en disent les enseignants ?