Ecole hors contrat : que fait le gouvernement pour les controler ?

samedi 19 mai 2018


Dérives sectaires, repli religieux ou communautaire… Le gouvernement se dit préoccupé par le développement des écoles hors contrat et souhaite en renforcer le contrôle lors de l’ouverture.
Mais comment ?
Se dote t-il de vrai disposition pour mieux contrôler ces établissements ?

Selon les chiffres du ministère de l’éducation nationale, ces établissements accueillent aujourd’hui 33 000 élèves, contre 13 000 en 2004. Impossible de connaître avec précision le nombre d’écoles hors contrat à Toulouse, ce chiffre n’étant pas communiqué par l’Éducation nationale.

Une vingtaine d’établissements hors contrat à Toulouse

A Toulouse , une vingtaine d’établissements hors contrat prennent actuellement en main des élèves à Toulouse, dont deux écoles et un établissement secondaire de confession musulmane.

Dans un contexte de menace terroriste, alimenté par le phénomène de radicalisation, le gouvernement entend « garantir le droit à l’éducation pour tous les enfants dans le respect des valeurs de la République et de la liberté de l’enseignement ». Les écoles hors contrat sont pointées du doigt.

Un maire n’a qu’une semaine pour s’opposer à l’ouverture

Actuellement, un maire n’a qu’une semaine pour s’opposer à l’ouverture d’une école après réception du dossier. La ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem voulait basculer dans un régime d’autorisation préalable. Une entorse à la liberté d’enseignement selon ses détracteurs.

Le responsable pédagogique de l’Institut privé Alif, un établissement secondaire au sud de Toulouse, proche de la zone industrielle de Thibaud, n’est pas hostile au passage d’un contrôle a posteriori à un contrôle a priori. Son établissement, fondé en 2009, a d’ailleurs fait une demande pour passer sous contrat d’association avec l’Éducation nationale.

De confession musulmane, l’Institut privé Alif compte 75 élèves et devrait ouvrir une classe de terminale à la rentrée prochaine. Le coût de la scolarité est d’environ 1 700 euros par an. L’institut compte 16 enseignants. Les élèves apprennent l’anglais en première langue, et l’arabe comme deuxième langue.

L’éthique musulmane est aussi enseignée une fois par semaine, précise celui qui est en charge de la pédagogie au sein de l’Institut privé Alif. On essaye de transmettre des valeurs ainsi que les fondamentaux de la révélation chez les musulmans.

Les cours sont enseignés dans des classes mixtes tandis que « les drapeaux français et européen flottent sur le fronton de l’établissement, souligne-t-il. Nous n’avons pas de lien avec les mosquées, ni avec aucun courant de l’Islam d’ailleurs. Parmi les filles qui sont scolarisées, certaines portent le voile, d’autres pas. Cela demeure un choix personnel ».
25 000 élèves scolarisés dans l’enseignement catholique en Haute-Garonne

Dans l’enseignement catholique, le son de cloche est différent. Quelque 25 000 élèves sont scolarisés en Haute-Garonne au sein d’établissements catholiques sous contrat avec l’Éducation nationale.

Le régime de déclaration est suffisant pour assurer le contrôle, estime Charles Hervier, directeur diocésain, à Toulouse. N’importe quel inspecteur de l’Académie peut ensuite se déplacer pour éviter tout risque de dérives sectaires ou de radicalisation. Des contrôles peuvent certainement être renforcés mais la liberté d’enseignement doit demeurer le principe de base.

Les nouvelles écoles ont ensuite cinq ans pour faire leurs preuves et demander de passer sous contrat.

Soucieuse de conserver une pédagogie qui lui est propre, Garonne-Pyrénées, près de Barrière de Paris, est une école primaire catholique « portée par un groupe de parents qui veulent offrir une éducation complète et de qualité en harmonie avec les valeurs transmises à la maison », peut-on lire sur leur site.
De plus en plus de parents attirés

Les petits Toulousains y portent l’uniforme tandis que les classes sont non-mixtes. Un projet qui attire de plus en plus de parents ayant pourtant déjà leur enfant dans des établissements privés d’enseignement catholique, mais sous contrat. Ces parents s’inquiètent, de manière générale, d’une baisse de niveau dans l’Éducation nationale. L’école hors contrat, libre dans l’élaboration des programmes et dans le recrutement des enseignants, est une façon pour eux d’y remédier.

Certaines écoles sont aussi sous la direction d’intégristes. C’est le cas de l’école Saint Jean Bosco, à Toulouse, un établissement hors contrat dirigé par des prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X fondée par Mgr Marcel Lefebvre.

Des pédagogies innovantes

D’autres écoles reposent sur des pédagogies innovantes, à l’image de l’école maternelle bilingue Montessori à Grenade, ou de l’école Fourio, à Launac. Cette dernière s’adresse à des élèves de primaire qui souffrent notamment de dyslexie.

Nous formons des groupes par niveau, explique Michel Fourio, fondateur de l’établissement. Un élève bon en mathématiques peut ainsi se retrouver en CM2 mais en CP pour les cours de Français. Les cours sont adaptés en fonction du profil des élèves. L’objectif étant ensuite que nos élèves rejoignent le circuit classique dans un collège sous contrat. Avec cette réforme voulue par le gouvernement, notre établissement n’aurait jamais vu le jour… L’Éducation nationale n’était pas favorable à notre projet.

Le débat est loin d’être terminé…
source actu-Toulouse

Espérance Banlieues à Empalot (Haute-Garonne) dès la rentrée de septembre, l’école à l’Envers à Verfeil, et, prochainement, l’école « Les Sarments ».
Les établissements scolaires hors contrat se développent dans le département, et, plus globalement, dans l’ensemble du pays. Ces dernières années, entre 2011 et 2014, leur nombre a bondi de 26% (on en compterait 1000, au total). Preuve du succès grandissant, auprès des parents d’élèves, de ces écoles sans lien avec l’Éducation nationale et non tenues de respecter un programme en particulier.

Pour les enfants, rigueur « à l’ancienne »...

Elles sont inspirées des méthodes Montessori ou Sudbury et ont toutes un point commun : elles se sont montées sur le rejet du système actuel de l’Éducation nationale. Aux Sarments, école qui devrait faire son apparition à Toulouse dans le secteur de la Côte Pavée, on propose ainsi « un retour à des méthodes d’enseignements traditionnelles, telles que l’on pouvait les trouver dans les écoles de la IIIe république », explique Olivier Lefèvre, son fondateur.

Concrètement, dans les salles de classe, où le port de l’uniforme est obligatoire, l’accent est mis sur les savoirs fondamentaux, français et mathématiques en prime. Un concept « à l’ancienne » qui séduit les parents d’élève comme Ségolène. « Je souhaitais un vrai retour aux bases qui permettent un apprentissage solide, une vraie culture générale qui leur permettra de se tourner vers tout type d’études par la suite. Or, ce n’est pas ce que l’on nous proposait dans le système classique. »

...ou liberté totale

A l’école à L’envers, située à Verfeil dans l’Est toulousain, autre établissement hors contrat qui vient d’ouvrir ses portes, la philosophie est radicalement différente. Comme l’indique l’écriteau à l’entrée, ici, « les enfants sont libres ». Pas de professeurs, pas d’emploi du temps et pas de cours à proprement parler. Ce sont les élèves, âgés de 3 ans à 13 ans, qui décident du contenu de leur journée. « Beaucoup d’activités sont axées autour du jeu, explique Aurore, une maman d’élève. Les élèves apprennent ce qu’ils veulent, quand ils le veulent, tout se fait à leur rythme, chose inconcevable à l’école classique. Or, pour le développement de l’enfant, c’est essentiel ».

Le témoignage d’Aurore, maman d’un enfant scolarisé à l’Ecole à l’Envers de Verfeil

Pour la FCPE, la multiplication des écoles hors contrat pose question

Mais le « phénomène » des écoles hors contrat n’emballe pas tout le monde. La FCPE, une des deux principales fédérations de parents d’élèves du pays, estime que leur multiplication peut représenter « un risque », comme l’explique Hélène Rouch, présidente de la FCPE de Haute-Garonne. « Nous avons besoin que l’école soit un lieu mixte, de brassage, d’apprentissage de la diversité et de la tolérance, des différences. Ces écoles hors contrat ne vont faire que de la segmentation sociale, par la confession, par l’argent. Mais leur développement pose question, car il traduit une pression grandissante mise sur l’éducation, et les réponses pas forcément apportées par l’Éducation nationale. »

Hélène Rouch, présidente de la FCPE 31, n’est pas vraiment favorable au développement des écoles hors contrat

Pour inscrire ses enfants aux Sarments, il faut débourser 200 euros par mois et par élève. En ce qui concerne l’école à l’Envers, les frais de scolarité mensuels sont calculés sur la base de 13% du revenu mensuel de la famille.

Au conseil supérieur de l’Education, notre représentante au CSE et secrétaire générale du SUNDEP Solidaires a dénoncé cet état de fait et elle a déclaré :

"L’Union syndicale Solidaires est pour un système d’éducation unique et laïque qui soit source d’émancipation. Les établissements privés hors contrat sont contraires à ces valeurs.
Les communes et les services de l’Etat devraient réellement vérifier que soient respectées les conditions d’accueil des mineurs, les normes pédagogiques et les lois de la République avant l’ouverture de ces établissements et durant toute leur existence. Ils ne doivent pas être des lieux d’endoctrinement. Le pire est d’avoir renoncé à un réel contrôle pédagogique. La loi votée le 13 avril 2018 n’empêche pas les dérives sectaires, l’Etat faillit ainsi à son rôle protecteur de l’enfance et de la jeunesse. C’est pourquoi des « affaires » se multiplient à Liévin, à Raismes, à Nanterre, à Toulouse…
L’Union syndicale Solidaires votera donc contre les deux textes proposés par le gouvernement."

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